Structure hybride à plusieurs étages sans poutres

Un nouveau système de construction 

L’administration communale de Kirchheim unter Teck (Bade-Württemberg) a adopté un plan de protection du climat dans le but de réduire ses émissions de CO2 de 37 % d’ici 20 ans. Un nouveau bâtiment destiné aux bureaux municipaux, en grande partie construit en bois, contribuera à atteindre cet objectif. Pour le réaliser, un système de construction sans poutres a été utilisé pour la première fois en Allemagne, avec un large espacement entre les poteaux (× 7x5 m) et une capacité de charge de 1 000 kN par poteau.  

Le bâtiment à trois étages situé dans la zone industrielle de Bohnau permettra de regrouper sous un même toit tous les services de la municipalité, jusqu’à présent répartis sur plusieurs sites. Le bâtiment est un parfait exemple de construction hybride : le noyau et le sous-sol sont en béton, tandis que les étages supérieurs sont en bois lamellé-collé croisé (CLT) avec une structure en poteaux-plancher. Les murs non porteurs sont constitués d’une ossature légère en bois (timber frame). 

« En Allemagne, ce nouveau bâtiment est effectivement le premier à être réalisé avec un système de poteaux et de dalles, sans poutres », a déclaré Uwe Ruckgaber du bureau d’architecture Bankwitz lors de la cérémonie d’inauguration du site en juillet 2023. Bankwitz a géré la conception de cet ouvrage, ainsi que la planification de la construction en bois. Les raisons pour lesquelles les concepteurs et les commettants ont opté pour une technique de construction encore peu utilisée sont ses nombreux avantages : cette technique de construction offre de grandes portées et une trame de soutien pouvant atteindre 7×7 m, avec pour conséquence une flexibilité dans la disposition des systèmes électriques et de ventilation, une flexibilité dans le déplacement des cloisons internes et donc dans la création d’un grand foyer au rez-de-chaussée et de salles de réunion spacieuses. D’autres avantages de la construction sans poutres, qui deviennent évidents à mesure que la taille des bâtiments augmente, sont la facilité de créer des sections anti-incendie sur de grandes surfaces, la réduction de la hauteur de l’étage et donc de la surface de la façade et des coûts relatifs. 

Le chef du projet structurel du studio Furche Geiger Zimmermann Tragwerksplaner a découvert le potentiel de cette technique de construction lors d’un séminaire sur le bois à Rothoblaas, puis l’a intégrée dans la conception et a convaincu les architectes de Bankwitz. Le client a exigé dès le départ une mise en œuvre innovante et durable du bois. 

Sur le plan architectural, la conception de Bankwitz évite autant que possible les revêtements : le béton apparent et les plafonds en CLT contribuent également à l’économie des ressources et à l’esthétique transparente du bâtiment. 

Construction en bois avec des portées semblables à celles du béton 

L’idée d’un plancher en CLT, soutenu par quelques points d’appui, sans poutres et avec une portée aussi large que possible, comme dans le béton armé, a été développée à l’Université d’Innsbruck. En collaboration avec Rothoblaas, le connecteur de poteaux SPIDER a été développé et présenté pour la première fois à un public plus large lors du forum Holzbau à Garmisch. En ce qui concerne l’assemblage des panneaux en CLT formant les planchers, plusieurs solutions ont été testées. Le choix s’est finalement porté sur le système TC FUSION de Rothoblaas, qui relie les panneaux au moyen de vis filetées et d’une coulée de béton armé. Le système Rothoblaas a été choisi parce qu’il bénéficie d’une Évaluation Technique Européenne (ETA) de l’Institut autrichien d’Ingénierie de construction (OIB). 

Les planchers du nouveau bâtiment de Kirchheim reposent sur huit poteaux en bois de sapin lamellé-collé (300×300x2800 mm), disposés selon une trame de 7×5 m. La connexion des poteaux au plancher a été réalisée en deux versions : dans la zone interne du plancher où les charges sont plus élevées, le connecteur SPIDER a été utilisé dans la version renforcée, avec six bras fixés par 48 vis VGS à filetage total. Dans la zone périphérique de l’étage, il a été possible d’éviter ce renforcement et d’utiliser les connecteurs PILLAR. Toutefois, des vis de renfort VGZ à 45° ont été prévues pour tester la résistance au rolling-shear du plancher dans les zones des appuis ponctuels des planchers sur les colonnes. 

Les assemblages en béton du plancher disparaissent dans le sol, recouverts d’un mélange de remplissage qui répond aux exigences en matière d’isolation acoustique et anti-incendie et permet de réduire les vibrations. Au-dessus, des plaques en laine de roche insonorisantes sont posées et une chape de béton à prise rapide avec chauffage au sol (température de départ de 38 °C) est installée. Les plaques en CLT au-dessus du rez-de-chaussée et du premier étage ont une épaisseur de 240 mm, tandis que le toit a une épaisseur de 200 mm. La couche inférieure des panneaux à sept couches constituant le plancher et mesurant environ 14 m de long, est d’une telle qualité qu’elle peut être laissée apparente. Les panneaux en CLT ont été fabriqués par HolzBauWerk Schwarzwald. Des tiges filetées à entraxe variable de 25 cm pour une profondeur d’environ 50 cm dans le panneau en CLT et de 23 cm dans le béton ont été vissées sur les panneaux. L’ensemble de la construction en bois de ce projet a été réalisé par l’entreprise Holzbau Layh. 

Mise en œuvre pratique du plan de protection du climat 

Grâce à l’enveloppe en bois, le bâtiment dépasse de plus de 25 % les exigences de la norme KfW-55. Le toit plat est isolé avec de la laine minérale et largement recouvert de végétation. Celle-ci favorise la rétention des eaux de pluie, sert d’isolation en hiver et de protection solaire en été, contribuant ainsi aux économies d’énergie. La capacité de refroidissement de la végétation augmentera également l’efficacité du système photovoltaïque installé sur la toiture. Les murs extérieurs sont réalisés en bois et répondent aux exigences anti-incendie F 60-B, tandis que les murs intérieurs répondent aux exigences anti-incendie REI 60. Un système de ventilation avec 80 % de récupération de chaleur assure le renouvellement de l’air nécessaire dans le bâtiment et réduit les pertes de chaleur. Un système de pompe à chaleur à eau salée permet d’obtenir un effet de refroidissement du sol en été. La pompe à chaleur est alimentée par un système photovoltaïque dédié. Les coûts d’investissement pour le projet de construction s’élèvent à environ 5 millions d’euros selon l’état de planification 2022. La construction du système de chauffage est financée à hauteur d’environ 166 000 euros par l’Office fédéral de l’économie et du contrôle des exportations (Bafa), tandis que la construction en bois est financée à hauteur d’environ 200 000 euros par le programme « Holz Innovativ Programm (HIP) » du ministère de l’agriculture, du développement rural et de la protection des consommateurs du Bade-Wurtemberg (MLR). Une ligne de crédit subventionnée de la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) a également été demandée dans le cadre du programme de financement « Energieeffizientes Bauen ».